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Sommet de Toronto : les limites du modèle "G20"

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Toronto accueille les 26 et 27 juin un sommet du G20 sur fond d'incertitudes. La crise de la dette des Etats européens, la chute de l'euro, une réforme du secteur financier lente à porter ses fruits et les faiblesses de l'économie américaine rendent indispensable une action concertée face à la crise mondiale. Selon Thomas Chalumeau et Christophe Scalbert, coordinateurs du pôle "économie et finance" de Terra Nova, alors que de nombreuses divergences émergent, le sommet de Toronto sera un point d'étape névralgique pour la construction d'une nouvelle architecture économique mondiale. 

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Synthèse

De la crise de la dette des Etats européens à la chute de l’euro, de l’avancement encore incertain de l’agenda de réforme du secteur financier aux faiblesses entourant l’économie américaine, le sommet du G20 de Toronto des 26 et 27 juin prochains devra aborder de front deux priorités : le maintien d’une action concertée face à la crise mondiale et la réforme du système financier international.

 

Dans la préparation du sommet, plusieurs clivages sont apparus auxquels il sera difficile de remédier à Toronto. Entre les partisans d’une interruption des programmes de soutien à la croissance et les défenseurs de plans de relance soutenus pour contrer les effets de la crise, d’abord. Entre ceux qui prônent sans tarder un fonds de garantie financier international alimenté par une taxation sur le secteur financier et ses opposants, ensuite. Entre les Etats Unis et l’Europe sur le détail des mesures de l’agenda de réforme du secteur financier, entre ces derniers et les pays émergents, surtout soucieux de préserver leur croissance, enfin.

 

Une chose est sûre, la réforme du cadre de régulation du secteur financier prendra du temps. Et un risque nouveau apparait. Celui d’un écart croissant entre des Etats-Unis ambitieux, qui viennent d’annoncer une reforme d’ensemble de leur secteur financier, même si les détails doivent en être précisés, et une Europe à la traîne. Avec le risque d’une re-règlementation à deux vitesses de la finance mondiale et d’une distorsion pérenne des règles de concurrence entre banques américaines et européennes.

 

Au total, peu d’avancées concrètes sont à espérer du G20 de Toronto alors qu’il s’agit d’un moment névralgique dans la construction d’une nouvelle architecture de l’économie mondiale. Il pose d’ores et déjà la question de la pertinence du modèle « G20 » de gouvernance internationale. Le G20 est une instance de coordination intergouvernementale informelle. Il a l’avantage de la souplesse. Mais il fonctionne à l’unanimité, sans impulsion politique propre, sans levier d’action juridique ou financier direct, sans même un secrétariat administratif. Ce modèle a bien fonctionné depuis le début de la crise, du fait d’une dynamique très forte et d’une réelle unité de vues internationale. Cette dynamique s’essouffle, les divergences continentales et nationales apparaissent. Le modèle G20 peut-il être efficace dans ce nouveau contexte ?

 

La note

Le Sommet du G20 de Toronto s’ouvre cette semaine sur fond d’inquiétudes : crise de la dette publique en Europe, chute de l’euro, incertitudes sur le moteur économique américain…

 

Deux principaux sujets devraient dominer ses discussions.

 

Le maintien d’une action concertée pour consolider le rebond de l’économie mondiale, au moment où de nouvelles inquiétudes pointent sur le maintien de déséquilibres macroéconomiques importants et qu’est relancé le débat sur la nécessité ou non d’interrompre, sans plus attendre, les plans de relance avant que le retour de la croissance ne soit durablement établi.

 

L’avancement de la réforme du système financier international, au moment ou les Etats-Unis, qui viennent d’annoncer une réforme d’ensemble de leur réglementation, semblent prendre de l’avance sur une Europe quelque peu à la traîne – avec le risque de laisser le cadre normatif américain, en voie de rapide révision, s'imposer face à une Europe en difficulté sur le plan économique et politique.

 

1 - Des discussions qui se poursuivent et un bras de fer en perspective entre l’Europe et les États-Unis sur la régulation du secteur financier

Lors des précédents sommets de Londres et de Pittsburgh l’an dernier, les principales économies mondiales s’étaient engagées à mettre rapidement en œuvre une réforme globale de la régulation financière. Le G20 de Toronto devrait, sans surprise, rappeler la nécessité de poursuivre l’accélération de ces réformes, compte tenu de certaines turbulences (comme par exemple les tensions apparues récemment sur les échanges interbancaires).

 

Au-delà de ce consensus apparent, toutefois, les discussions sont intenses, à mesure que les débats entrent dans le concret.

 

1.1 - Premier constat : les nouvelles règles prudentielles applicables au secteur financier en Europe comme aux Etats-Unis sont toujours au stade des discussions

Les travaux, menés notamment sous l’égide du Comité de Bâle, sont entrés depuis le 17 décembre dernier dans le vif du sujet.

 

Le Comité, mandaté par le G20, a adressé à toutes les banques ses propositions, lesquelles s’avèrent douloureuses pour les établissements bancaires : exigences en fonds propres renforcées, introduction d’un ratio d’effet de levier, introduction de ratios de liquidité et mise en place de coussins de provisions, un corpus de nouvelles règles connues sous le nom de « Bâle III ».

 

Du fait de leur impact potentiel sur une économie en phase de reprise, le point de sortie précis de ces négociations reste toutefois encore à déterminer.

 

Le G20 devrait conserver l’objectif d’un accord fin 2010 et d’une mise en œuvre d’ici à fin 2012. Plusieurs voix s’élèvent toutefois pour une mise en œuvre progressive et étalée bien au-delà de 2012 des futures normes de Bâle III. Afin que l’effort exigé des banques ne soit pas violent au point de briser la reprise. La fédération bancaire européenne, dont les simulations diffèrent de celles du comité de Bâle, a ainsi évalué l’impact des propositions du comité, dans leur état actuel, à 4 ou 6 points de PIB sur 3 ans en Europe.

 

Les discussions actuelles avec la profession devraient converger vers des conclusions définitives pour le G20 de Séoul les 11 et 12 novembre prochains.

 

1.2 - Deuxième constat : le risque de divergence des régulations appliquées en Europe et aux Etats-Unis n’a jamais été aussi grand

De fait, les Etats-Unis ont fortement accéléré depuis le dernier Sommet alors que les Européens mettent plus de temps à préciser leurs efforts.

 

Barak Obama vient d’annoncer un plan très ambitieux de réforme globale du secteur financier américain, adopté par le Sénat américain fin mai, une ordonnance de plus de 1.500 pages qui balaie l’ensemble des territoires de la finance : régulation du risque systémique (avec la création d’un nouveau conseil de régulateurs chargé d’identifier les risques), interdiction faite aux banques commerciales de faire du trading pour compte propre (« Règle Volker »), encadrement des produits dérivés par un traitement obligatoire dans des chambres de compensation, renforcement des obligations imposées aux fonds spéculatifs et aux agences de notation, création d’une agence de protection des consommateurs…

 

La mise en ouvre de l’ordonnance restera toutefois soumise à l'appréciation des régulateurs. Avec une incertitude décisive : quelles seront les marges de manœuvre que se donneront les régulateurs américains pour appliquer ces nouveaux principes, ainsi que ceux fixés en matière de fonds propres des banques ou de produits dérivés ? Et n’y a –t-il pas un risque de distorsion compétitive majeure entre les banques américaines et européennes, si une re-réglementation à deux vitesses se fait jour dans les prochains mois?

 

A titre d’exemple, les Européens craignent une distorsion de concurrence entre leurs propres banques qui appliquent déjà les normes prudentielles dites Bâle II et les américaines qui ne les appliquent pas. En outre, les discussions sur Bâle III font d’ores et déjà apparaître des divergences d’approche entre l’Europe et les Etats-Unis sur ce sujet, comme l’illustre le ratio d’effet de levier (proportion de dettes par rapport aux fonds propres) défendu par les Etats-Unis, car favorable aux banques américaines, contre d’autres critères de mesure du risque promus par l’Europe.

 

Autre exemple, l’espoir d’une convergence entre référentiels comptables s’amenuise au fur et à mesure que les normalisateurs américains et internationaux dévoilent leur position. Le dernier exemple en date est le projet de norme sur les instruments financiers publié par le FASB (normalisateur américain), qui plaide pour une comptabilisation de la totalité de ces instruments à la « juste valeur », en contradiction avec le souhait de l’IASB.

 

Enfin, des divergences majeures subsistent entre l’Europe, ou plutôt certains pays d’Europe, et Washington sur le contrôle des rémunérations, l’encadrement des « fonds spéculatifs » ou encore la réglementation des « credit default swaps » (CDS), les contrats d’échange sur le risque de défaut.

 

Agir à Toronto pour assurer un minimum d’égalité de traitement entre banques internationales n’est pas qu’une clause de style : il sera déterminant pour la réussite de la re-réglementation d’ensemble du secteur financier, sous peine de relancer une concurrence internationale au « moins-disant » réglementaire.

 

2 - Absence d’accord en vue sur la taxation des banques ou la taxe sur les transactions financières

La dernière réunion début juin, à Pusan en Corée du Sud, des ministres des Finances du G20 a révélé les désaccords en matière de taxe bancaire internationale.

 

Fin avril, la mission confiée par le G20 au Fonds monétaire international en septembre 2009 à Pittsburgh, avait pourtant recommandé la création d’un fonds d’assurance financé par une taxation du secteur financier (banques, assureurs, fonds, etc), afin d’éviter que les Etats n’aient à payer, sur leurs budgets, le coût d’une future crise bancaire.

 

Parallèlement, en Europe, le Parlement de Strasbourg avait adopté début mars une résolution demandant à la Commission d’étudier l’impact d’une taxe mondiale sur les transactions financières. Son produit reviendrait aux Etats, qui pourraient l’affecter à un fonds d’assurance du secteur, ou à la réduction de la dette publique creusée par la crise.

 

Les Européens souhaitaient parvenir à une position commune sur ce sujet à Toronto : l’Allemagne vient d’annoncer l’établissement d’une taxe sur ses propres institutions et le Royaume-Uni en prépare l’introduction. La France, sur la base du rapport remis par Jean-François Lepetit, compte introduire une telle taxe et l’inscrira dans le projet de loi de finances pour 2011. Les Européens ont annoncé au Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de Bruxelles le 17 juin, qu’ils se désolidariseront des autres pays membres G20 et établiront cette taxe et ce fonds de prévoyance en Europe, unilatéralement, constatant que le consensus sera impossible à Toronto.

 

Le FMI remettra un rapport final sur ce sujet à Toronto, plaidant pour une taxation des actifs risqués (et également pour une taxation sur l’activité des banques), sans se prononcer sur la destination du produit de cette taxe (fonds dédié ou budget des Etats)

 

En réalité, les approches divergent : les Européens, partisans de la « taxation bancaire », et les Etats-Unis, non hostiles à une telle mesure, s’opposent à un groupe de pays regroupant Canada, Australie, Japon, mais aussi Brésil et Inde, qui font valoir que leur secteur bancaire est en bonne santé et n’a donc pas besoin d’un fonds de sécurité abondé par des « primes d’assurance ».

 

En jeu pour le système monétaire international : sa capacité à se doter d’un nouvel instrument, activable en dernier ressort, en cas de nouvelle grave crise financière, permettant d’éviter que celle-ci ne se propage et ne contamine l’ensemble de l’économie mondiale, conjointement à de plus fortes injonctions faites aux Etats de mettre fin aux activités des banques les plus en difficultés. En ligne avec le G20 des ministres des finances en Corée, le G20 de Toronto devrait confirmer l’échec de l’adoption de cette mesure au niveau international, quand bien même des pays aujourd’hui non touchés par cette crise financière pourraient être impactés demain en cas d’occurrence d’une nouvelle crise.

 

De même, l’idée d’une seconde taxe sur les transactions financières (« Taxe Tobin ») ne trouvera pas d’accord à Toronto. Le sujet y sera abordé, mais en dépit des nombreux travaux mis en place sur cette question, le consensus est également très improbable. Là encore, les Européens ont prévenu qu’ils pourraient avancer seuls sur cette taxation, tout en soulignant que cette taxe, pour être efficace, devait être mondiale….

 

3 - lutte contre les paradis fiscaux, Réforme des agences de notation, surveillance des fonds spe-culatifs : vers un « bien mais peut mieux faire»

Depuis le G20 de Londres, le programme d’action sur les paradis fiscaux, sur le contrôle sur les agences de notation et sur le renforcement de l’encadrement des fonds spéculatifs (hedge funds) se poursuit avec quelques succès.

 

Des progrès, quoiqu’insuffisants, sont intervenus sur le thème des paradis fiscaux. Les Etats se sont engagés à sanctionner ceux qui ne partagent pas leurs informations fiscales. Les centres financiers non coopératifs ont été soumis à une supervision renforcée : publication par l’OCDE d’une liste noire internationale des paradis fiscaux, application des règles relatives à la transparence et à l’échange de l’information fiscale, possibilité d’imposer des sanctions aux contrevenants. La liste noire de l’OCDE, devenue grise suite aux engagements pris par les pays ainsi pointés du doigt, se vide progressivement avec les signatures d’accords bilatéraux permettant un échange de renseignement avec des pays tiers (12 signatures sont nécessaires). Cependant, et alors qu’il est manifeste que certains paradis fiscaux sortent de cette liste grâce à des signatures de conventions avec d’autres paradis fiscaux, les insuffisances de ce critère apparaissent cruellement. Par ailleurs, les structures / sociétés écrans permettant de conserver l’anonymat ne sont pas visées et la dimension « paradis réglementaire » des paradis fiscaux est encore largement absente des efforts de régulation.

 

S’agissant des agences de notation, les Etats-Unis viennent d’introduire, dans le cadre de leur projet de loi sur la régulation financière, une disposition forte, autorisant les investisseurs à poursuivre les agences de notation si leurs évaluations de certains instruments financiers se révèlent être « terriblement négligentes ». Un premier pas décisif vers un principe d’ « accountability » de ces institutions. Coté européen, si des premières réformes ont été adoptées il y a plus d’un an par le Parlement, certaines questions, liées par exemple aux conflits d’intérêt potentiels, restent encore d’actualité. La transposition du règlement européen, en cours en France, doit être l’occasion de responsabiliser ces agences.

 

De même, aux Etats-Unis, les fonds spéculatifs vont sortir de l’ombre. Ils devront désormais s’enregistrer auprès de la Securities and Exchange Commission s’ils gèrent plus de 100 millions de dollars d’actifs. Coté européen, les discussions se poursuivent afin de faire converger les textes du Conseil et du Parlement européen Ces textes s’opposent particulièrement sur la question du passeport européen, qui permet à un gestionnaire basé hors d’Europe de commercialiser ses fonds dans toute l’UE à partir du moment où il a obtenu l’autorisation d’un des Etats membres (comme le Royaume Uni qui souhaite jouer le rôle de tête de pont…).

 

4 - Priorité à la reprise : trop tôt pour démanteler les mesures de relance

L’autre axe clé des discussions de Toronto portera sur la croissance et la relance de l’économie mondiale.

 

Malgré le rebond de la croissance depuis le début de l’année, les inquiétudes restent nombreuses.

 

Non seulement la reprise mondiale donne des signes inquiétants de faiblesse : crise de la dette publique en Europe, incertitude sur le moteur économique américain, débat récurrent dans certains pays, au nom de la résorption des dettes publiques, sur la nécessité d’interrompre, sans plus attendre, les plans de relance…

 

Mais l’OCDE vient de prévenir que les graves déséquilibres macroéconomiques actuels risquaient de s’accentuer dans les tous prochains mois, en décrivant avec minutie le scénario : entrée de l’Europe dans plusieurs années de croissance très faible, dépréciation de l’euro, se traduisant par un rebond des excédents extérieurs européens, lesquels, venant se cumuler avec les énormes excédents commerciaux asiatiques, viendraient déséquilibrer un peu plus le solde extérieur des Etats-Unis. Le monde irait-il vers une nouvelle crise financière mondiale associé à un regain des tentations protectionnistes ?

 

De toute évidence, le G20 devra discuter de manière urgente à Toronto de la manière de rééquilibrer la croissance mondiale.

 

Sur la question des plans de relance, le Sommet de Toronto devrait réaffirmer, à la suite du G20 de Pittsburgh la nécessité de les maintenir avant que la reprise mondiale ne soit établie, tout en appelant à des mesures nationales adaptées et différenciées en fonction des besoins. C’est le sens de la lettre d’Obama adressée aux autres membres du G20 (et particulièrement à l’Europe), qui s’inquiète de l’effet que pourraient avoir les mesures d’austérité sur la croissance.

 

5 - Convaincre la Chine de contribuer à la sortie de crise au niveau mondial : l’enjeu de la rééva-luation du Yuan

La Chine vient d’annoncer l’abandon du lien fixe de sa monnaie avec le dollar, ouvrant la voie à une appréciation limitée du Yuan. Voilà désamorcée une question qui risquait d’être parmi les plus conflictuelles du Sommet, notamment avec l’Europe et les Etats-Unis. Une décision attendue depuis des mois par les grands partenaires commerciaux de la Chine et indispensable pour amorcer un rééquilibrage des flux commerciaux mondiaux.

 

Tout dépendra toutefois de l’ampleur de la réévaluation du Yuan ainsi autorisée. Les dernières réévaluations entre 2005 et 2008 (+21% en 3 ans) n’ont jamais enclenché de véritable rééquilibrage des flux commerciaux entre la Chine et ses partenaires, du fait de leur caractère limité. Les autorités chinoises paraissent toutefois prendre la mesure des risques liés à l’envolée de leur croissance ces derniers mois, tirée par le plan de soutien public à l’économie. Plus que jamais, le sort de l’économie mondiale se jouera à Pékin au cours des prochains mois.

 

Peu d’avancées concrètes sont à espérer du G20 de Toronto : si les difficultés des négociations internationales ne doivent pas être négligées, ce sommet pourra acter les renoncements en cours (comme la taxe bancaire internationale) et réitérera la nécessité de poursuivre les travaux (notamment sur les normes prudentielles). La dynamique observée jusqu’à présent, qui seule rendait possible une réforme coordonnée du système financier, s’essouffle, avec des chemins de reforme de plus en plus divergents entre pays ou blocs économiques.

 

Pour en savoir plus

1. Retrouvez l'ensemble des travaux de l'atelier permanent de Terra Nova sur la crise financière

2. Les notes sur les précédents G20

Encadrement du système de financement international : les enjeux du G20 de Pittsburgh

G20 de Londres : oublier Yalta

    


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